Voici comment Ti-Prens qui est né dans les chantier navals de Rochefort ,est arrivé jusqu’en Guadeloupe.
La première actualité du CATAMARAN « TI PRENS » (petit prince en créole) c’est la traversée de l’atlantique un épopée humaine où ce voilier a démontré toutes ses qualités.
Tout commence le 4 novembre 2011 quand j’ai réceptionné le catamaran amarré à ROCHEFORT dans les anciens bassins tout près du chantier de l’Hermione. Nous avons descendu la Charente jusqu’à LA ROCHELLE où, durant une semaine, le catamaran a été préparé par l’équipe technique du chantier.
Il faisait 4° le matin au réveil dans le bateau, brouillard et givre sur les pontons au port des Minimes : en cette saison le golf de Gascogne peut être dangereux car sujet aux premières tempêtes d’hiver. Le 12 novembre, nous sommes fin prêts pour le départ profitant d’une fenêtre météo clémente. Dur moment !! la famille était là sur le ponton , des amis aussi, ; moi , capitaine , skipper professionnel c’était ma première transat, pour l ‘équipage aussi, mais j’ai un poids sur le ventre car on ne joue plus. Les dimensions vont considérablement s’agrandir, et j’emmène des gens dans cette aventure.
Je connais bien ce genre de bateau, car je possédais encore à ce moment un catamaran similaire mais plus ancien sorti quelques années plus tôt du même chantier. Cependant le Ti Prens est plus grand, plus puissant et surtout tout neuf. Les heures passent, le bateau glisse sur l’océan, la terre s’éloigne, disparaît à l’horizon et nous nous enfonçons dans la nuit. Première nuit, premières inquiétudes quand nous croisons la route d’un gros chalutier. Après des échanges de signaux lumineux, tout se passe pour le mieux. Le bateau va très vite 11 nœuds de moyenne si bien que nous arrivons à la pointe de la COROGNE en 1 jour et demi, mais là nous constatons un problème à bord :les batteries ne semblent pas charger quand on met les moteurs en route. Pourtant tout marchait au ponton. Il faut se rendre à l’évidence le problème est réel, nous devons éteindre le congélateur, perdre la nourriture qu’il contenait presque intégralement et trouver un port au plus vite.
Nous nous arrêtons à Porto SIN en Galice un peu au dessus de VIGO. On recharge à quai les frigos et donc les batteries mais pas l’ombre d’un réparateur dans le secteur. On repart dans la matinée et là après 30 minutes le pilote automatique si indispensable voire même vital pour une transat se met en panne. Bien entendu par téléphone nous avons alerté le chantier, mais je peux vous dire que là vous ne pouvez compter que sur vous. Le chantier me dit de trouver un concessionnaire RAY MARINE pour faire jouer la garantie, nous descendons alors vers VIGO. Je suis en colère car ces 2 pannes importantes on eu raison d’un membre de l’équipage qui décide de ne pas continuer avec nous sur ce bateau. Il descend à VIGO où nous sommes restés tout de même huit jours. Temps nécessaire pour effectué toutes les réparations et recruter un nouvel équipage sur la bourse des équipiers.
Une fois tout en ordre nous repartons au plus vite, mais la météo a changé et après 10 h de navigation nous constatons que le problème de batterie recommence alors que tout était OK au port de VIGO. Pour couronner le tout, sur les fichiers météo nous voyons une tempête arriver droit sur nous. Je décide de continuer, car la tempête n’est semble t-il pas énorme, Vent de Nord-Ouest 35/45 nœuds et nous nous allons au Sud-Ouest donc elle sera sur notre travers arrière (au portant), et le fait de faire demi-tour pour se réfugier sur Lisbonne nous mettrait en difficulté car avec la houle plein dans l’arrière du bateau cela aggraverait le risque de chavirage. Nous configurons donc le bateau avec 2 ris dans la grande voile c’est à dire que la voile de 60m2 n’en fait plus que 30m2 (car il faut garder une propulsion) et nous enroulons le génois à l’avant pour le supprimer . Pour réduire la grand voile j’ai du me rendre à l’avant du bateau dans une mer très très formée, les vagues faisaient plus de 5m et parfois comme un petit oiseau j’étais en apesanteur, heureusement avec le harnais de sécurité. La nuit est arrivée et les conditions ce sont aggravées nous ne voyons plus les vagues, mais nous les sentons et le bateau va très vite. Le vent se renforce, au cœur de la nuit, nous sommes sous des rafales entre 50 et 72 nœuds (environ 140 km/h), la vitesse du bateau entre 15 et 20 nœuds. Au petit matin les vagues de 10 mètres (3 étages d’un immeuble) étaient comme d’énormes et puissantes collines d’eau.
La nuit fut terrible ! Nous faisions des quarts de 2 heures et toujours en binôme. Le barreur, plus exposé est attaché au siège par le harnais. De plus il fallait être vigilants car nous allions croiser le « rail de LISBONNE » : l’autoroute des cargos qui sortent de la méditerranée pour remonter l’atlantique. Durant mon quart de 2 heures j’en ai croisé 7 et mon Fils Romain à son quart en a compté 5 de plus. C’est une situation compliquée car il faut identifier leurs lumières pour comprendre leur direction et leur longueur, et avec ces vagues , c’était plus une partie de cache-cache à grande vitesse.
Le matin à 7 heures je reprends la barre (car même si le barreur est au poste de navigation, avec cette tempête,nous laissions le pilote automatique) et une vague monstrueuse à tapé le bateau violemment faisant sortir la vaisselle des placards dans un bruit de fracas. Frayeur : j’ai même cru que nous coulions, il y avait de l’eau partout, cette vague énorme a cassé sur notre arrière et au moins 2 tonnes d’eau sont entrées dans le cockpit, un vrai jacuzzi. Résultat : nos gants , nos passe-montagnes, nos chaussettes bottes , jeans tout était trempé et froid. Les quart suivants sont devenus extrêmement difficiles. Mais dans ce vacarme et cet univers mouillé, le bonheur c’était de se glisser sous la couette pour un peu de chaleur et essayer de dormir ou de s’assoupir un peu. Ensuite à son quart, il fallait remettre tous ces habits glacés et trempés….
Je décide de continuer à barrer pour surfer sur les vagues et aller le plus vite possible pour sortir de cet enfer, le soleil commence à poindre, nous redonnant un peu de baume au cœur. Là, une superbe vague arrive derrière nous et soulève longuement le bateau, elle nous dépasse et nous redescendons derrière elle laissant passer le monstre rond et là : l’Extase !! Un clin d’œil de NEPTUNE ! Une compagnie de 30 dauphins environ, perfore cette masse d’eau et passe devant nous en 2 sauts avant de disparaitre, me redonnant le sourire. Et malgré cet infini de vagues qui ne semblait pas vouloir se calmer, je me suis senti en sécurité.
Vous devez vous demander comment on fait pour s’alimenter dans ces conditions « machine à laver ». Et bien c’est assez horrible ! Bien sur vous n’avez pas envie de vous mettre assis à table et de toute façon c’est physiquement impossible. Hors il est indispensable de manger pour garder ses tripes en place, même si l’on a pas envie. Parfois ça signifie même vomir 2 minutes après (oui ce genre d’événement fait parti de la vie à bord), mais il faut gagner la lutte. A ce jeu nous avions un équipier « Philippe » qui, pour ça, était incroyable ! Au plus fort de la tempête, je le revois dans la cuisine tel un cowboy en plein rodéo, se battant dans la cuisine pour tenir debout et nous confectionner de petits sandwichs magnifiques et très efficaces. En fin de journée la mer et le vent avaient considérablement baissés, un mauvais rêve s’éloignait. Au final, le bateau a tenu le coup même si il craquait de partout, gémissait, se tordait… lui aussi avait fait de beaux efforts pour tenir dans la tempête. Les ingénieurs des bureaux d’études ont fait les bons calculs et c’est tant mieux.
Cependant, notre problème de batterie persistant, nous avons du modifier notre route et choisir, par force, de rejoindre l’île la plus proche : MADERES.
J’ai appelé mon ami de chez Nautitech en Martinique qui m’a connecté avec JOAO un Skipper chevronné Portugais qui a traversé l’atlantique plus de 50 fois (plus que VASCO DE GAMA se vente –t il !) et qui est aussi très compétent en électronique et mécanique. Nous arrivons donc à MADERES , a la marina de FUNCHAL, et là nous voyons arriver 2 hommes corpulents et un peu ivres, qui nous disent qu’ils vont nous dépanner. Au fond de mon bateau, assis sur le parc de batteries nos 2 compères, en Portugais, nous font un diagnostic et nous disent au bout de 3 heures de recherches que c’est foutu pour ce soir et qu’ils vont revenir demain matin, mais qu’ils ont déjà une petite idée de la panne. Le lendemain, effectivement, en 1 heure, ils ont trouvé un mauvais branchement du pilote des batteries, ils l’ont simplement débranché et là enfin on était dépanné. Le temps de faire la fête avec ces 2 supers bonhommes « JOAO et CHRISTIAN », nous reprenons la mer, un peu à contre coeur. Mais là, nous sommes plus au sud, le temps est clément et l’on peut mettre des teeshirts et des shorts. La traversée proprement dite peut enfin commencer, nous nous élançons au cœur de l’Atlantique !
Mais avec toutes ces péripéties : où en sommes nous de notre traversée ? Et bien on longe tout simplement les côtes africaines , en direction des îles Canaries, puis du Cap vert. Si nous continuons de descendre ainsi, c’est pour aller à la rencontre des vents favorables et suivre ensuite le 16ème Parallèle qui nous conduit vers la Guadeloupe. Au grès du vent, un vent pas très fort environ 13 à 14 nœuds, nous progressons d’environ 180 miles par jours , c’est pas si mal. Nous allons passer 9 jours sans voir un seul bateau, sans voir d’oiseau, sans voir de gros poissons (dauphins, cachalot etc.) Rien sur cet océan, mais la vie s’organise à bord, nous avons commencé à pêcher , il faut se faire du pain , gérer l’eau , les frigos , faire la cuisine, faire des quarts la nuit (cette fois si une seule personne par quart car il n’y a plus de danger de météo).
La nuit !!Oh la nuit dans l’atlantique !! C’est quelque chose d’inoubliable, le ciel est comme une gigantesque cloche de cristal posée sur l’océan saupoudrée de milliards d’étoiles ultras brillantes et parfois certaines choisissent de traverser le ciel, nous arrachant une petite larme de joie car à ce moment là on pensait à la famille, au gens que l’on aime, avec la musique de Pink Floyd dans le casque !! Instant magique que chacun a vécu sur le bateau à tour de rôle. Sous le bateau c’est les abysses, 5000m de fond, au milieu de l’atlantique il y a une chaîne montagneuse avec des sommets à 4500m ce qui fait qu’a un moment donné nous n’avions plus que 500m d’eau sous le bateau (pas de quoi rayer la coque) tout est démesuré dans cet océan, nous redevenons de petits hommes, tout simples, humbles dans une nature que nous ne dominons pas mais qui nous accepte. J’ai eu de grands moments de méditations car durant ce voyage on n’a pas d’autres préoccupations que ce qui se passe sur le bateau, le reste n’est pas à l’ordre du jour car ça nous échappe, ça ne nous concerne pas donc c’est du bonheur pour la tête on se sent libre et léger on passe des heures à rien faire, à lire, à bricoler, à parler, le temps est immense. Et le bateau est vraiment tout petit, mais qu’il est beau !!
Le 9ème jour ou plutôt la nuit, avec Romain mon fils, au moment de changer de quart nous décidons de modifier les voiles (la nuit nous naviguions en voiles réduites pour ne pas se faire surprendre par des coups de vents). A un moment donné vers 4 h du matin derrière nous à environ 500m : un voilier !!! Quelle surprise de voir une petite lumière verte et une rouge côte à côte. Ce voilier nous a croisé lentement dans un grand silence et c’est enfoncé dans la nuit continuant sa route et nous la notre
Vous demandez aussi comment on communiquait avec la terre ? Car oui il fallait donner des nouvelles et rassurer les terriens , mais c’est bien normal. Nous avions choisi le système « iridium » téléphone satellite de France Télécom. Muni d’un ordinateur que l’on connectait avec ce système : on chargeait les fichiers météos chaque matin, on envoyait des mails, et on en recevait aussi pour notre plus grand bonheur. Bien sur il ne faut pas envoyer de fichiers lourds car on paie à chaque vacation et le coût de l’opération pour la transat : environ 1600€. Mais c’est un super système surtout qu’en cas d’urgence on peut téléphoner direct au médecin de Toulouse Purpan où nous nous étions inscrit avant de partir avec un n° de dossier médical. Nous avions aussi une balise « 406 » qui émet sur la fréquence 406 des avions et cargos pour déclencher les secours en cas d’homme à la mer.
Le reste de la croisière est resté sans grande surprise, toujours le même temps, la même mer, nous pêchions du poisson suffisamment pour en être un peu écœurés et rêvions d’une bonne côte de bœuf avec des frites !! Nous avons eu de la visite à bord, des oiseaux épuisés qui n’ont pas eu peur de se poser sur nos panneaux solaires durant 2 heures, on leur a donné a boire, puis ils ont eux aussi repris leur route et des poissons qui sautaient sur le bateau surtout le soir quand on allumait les lumières.
Puis vient le moment ou on compte les jours, ou il faut faire marcher le bateau coûte que coûte car on veut arriver. Et soudain un matin nous sommes tous aller à l’avant pour savoir qui allait voir en premier la terre et c’est bien sur le capitaine ( mais j’ai pas de mérite j’ai 15 à chaque œil, je suis un surdoué des yeux) qui a vu DESIRADE en premier. Là on allume les portables, mais aussi les moteurs car le vent mou ne nous conduisait pas assez vite, puis Saint François se rapproche…. le port d’attache de Ti-Prens. On se change, et on met tous la même tenue : t-shirts et casquette DAMOISEAU. Puis quand nous avons plié les voiles nous avons aperçu un groupe qui s’agitait sur la digue du port, c’était la famille, les copains et Julie, ma fille qui vit en métropole, qui était au départ à LA ROCHELLE et qui nous a fait la surprise d’être aussi à l’arrivée, très gros moment d’émotion.
Nous sommes le 16 décembre, notre traversée aura duré un mois et 4 jours !
Merci encore à tous, Louise, Julien, Romain, Philippe et a l’équipe à terre ,pour cette aventure humaine inouïe.